Ce titre « l’analyse finie et l’analyse infinie » fait référence à une publication de Freud, détaillée ci-après.
la question de la durée d’une thérapie est un sujet délicat. C’est une question essentielle, si l’on considère le nombre de séances anulées ou le prolongement infructueux des thérapies. Je rajoute les prescriptions médicales qui multiplient les intervenants, le dispositif « mon parcours psy », limité à huits séances.
La demande thérapeutique
Dans cet article, Freud s’interroge sur la longueur d’une analyse, sur son but (cf. son achèvement) et sur sa spécificité. A propos de patients qu’il a suivi pendant plusieurs années, avec des traitements entrecoupé d’interrruption, il écrit :
Tous les refoulements se produisent dans la première enfance ; ce sont des mesures de défense primitives du moi immature et faible. Dans les années ultérieures, pas de nouveaux refoulements, mais les anciens se maintiennent et le moi continue à recourir à leurs services en vue de la domination des pulsions. […] Mais l’analyse amène le moi, qui a mûri et s’est fortifié, à accomplir une révision de ses anciens refoulements ; quelques-uns sont démolis, d’autres sont reconnus, mais nouvellement édifiés à partir d’un matériel plus solide. Ces nouvelles digues ont une tout autre solidité que les premières ; on peut se fier à elles pour qu’elles ne cèdent pas si facilement à la marée montante de l’accroissement pulsionnel. La correction aprés coup du processus de refoulement originel, laquelle met fin à la puissance excessive du facteur quantitatif, serait donc l’opération proprement dite de la thérapie analytique. Freud (2012, p.16).
Pour résumer, si Freud reste mesuré quant à l’efficacité d’une analyse, il souligne l’importance de sa durée. La réussite s’évalue en fonction du niveau d’adaptation avec la réalité (cf. la gestion satisfaisante du facteur quantitatif). De même, la personne qui se sent plus ou moins libre de ses actes, est par déduction, plus ou moins « guérie ».
Il y a donc une interaction (feedback) entre le sentiment d’intériorité et l’extérieur, défini comme LA réalité. Freud souligne qu’une thérapie peut être interrompue, que se soit parce que le problème est momentanément résolu, ou que le transfert négatif n’est pas sufisamment interprété. En d’autres termes, sa réussite reste valide, tant qu’un élément externe ne vient pas la contredire, tant qu’un nouveau trauma ne fait pas lacher les digues.
J’imagine cependant que Freud ou tout autre psychanalyste bénéficiant d’une telle renommée, dispose d’une patientèle particulière et peu représentative. Les conditions de prise en charge ont par ailleurs fortement évoluées. Il est également possible que le pouvoir décisionnel et la confiance que lui accordaient ses patients, constituent désormais une exception, avec la démocratisation de la pratique et la multiplicité des interventions. En d’autres termes, c’était peut-être à lui seul de décider si une thérapie devait être poursuivie ou interrompue.
La thérapie brève
Par exemple, pour la schizophrénie, l’auteur remarque que ce terme englobe un certain nombre de cas cliniques. De fait, il exclu toutes les observations qui contredisent le postulat de départ.
Et si une personne vient à guérir, c’est tout simplement parce que le diagnostic initial était faux.
La contestation de la réalité :
L’auteur distingue une réalité de premier ordre, naturelle et inaccessible, et une de second ordre, plutôt culturelle. C’est à cette dernière que l’on se réfère, quand on cherche à déterminer si, « un comportement est sufisamment adapté à la réalité, si une personne est atteinte de schizophrénie ». Par exemple, la réalité d’un billet de banque ne repose pas sur le fait que ce soit un bout de papier, mais plutôt sur sa valeur, conventionnellement déterminée.
Cette conception de l’altérité, ou de la composante sociale de la personnalité peut être assimilée à l’ethnopsychiatrie de George Deveureux, qui considére qu’une personne peut se retrouver inadaptée dans un environnement névrotique, ou névrosée dans un environnement adapté.
Watzlawick distingue les thérapies usuelles basées sur un principe monadique (des causes internes comme les pulsions, le refoulement) et les thérapies brèves. Ces dernières se fondent sur l’observation, sur la dualité et les interactions.
Ainsi, plutôt que de chercher les causes d’un problème (pourquoi ?), il est préférable de répondre à la question quoi ? L’approche pragmatique se centre uniquement sur les phénomèmes observables d’une situation pour en déterminer les blocages.
Cette approche postule que la detresse psychologique et les symptômes résultent de la mauvaise gestion d’évènements marquants ou de perturbations intervenant dans ce système. Une symptomatologie aiguë peut refléter une exacerbation des difficultés initiales résultant des tentatives de résolutions, certes bien intentionnées et raisonnables mais inapropriées, mise en oeuvre par le patient lui-même et son entourage. Watzlawick (1991), p. 67-68.
Les thérapies centrées sur « l’ici et maintenant » :
Mais il est possible que des petites victoires modifient l’équilbre général.
Les techniques sont qualifiées de cognitives ou comportementales. Par exemple :
- L’application d’éléments hypnotiques : par la prescription explicite de comportement, souvent centré sur un principe d’injonction paradoxale.
- La recherche systématique des doubles contraintes dans les interactions.
- Pivilégier certaines formes de langage, basées sur des images mentales, stimulant le traitement de l’hémisphère droit.
- Utiliser les suggestions : « faire comme si… », pour solliciter l’imagination. Cela revient à une prescription du comportement, mais uniquement en pensée.
- Eviter les négations, car elles provoquent des résistances, s’oublient plus facilement. Par exemple , préférer « rappelle-toi… » à « n’oublie pas… ».
L’importance du transfert
En médecine, on parle « d’effet placebo » pour décrire les bénéfices que peut apporter un cadre thérapeutique. C’est par exemple le cas en début de prise en charge.
Le rôle de la figure paternelle
Ainsi, le père de la psychanalyse aura probablement joué de son charisme, pour étendre la portée de ses recherches et en faciliter la diffusion. Le rôle de la fonction paternelle est un élément encore prépondérant de nos jours, dans le fonctionnement de notre société, pour le meilleur comme pour le pire.
Lacan théorise une certaine normalité psychologique par l’entrée dans le langage et la fonction constitutive du signifiant maitre. Cette dernière est garante des relations interpersonnelles ou de notre subjectivité.
C’est une version du complexe d’oedipe, beaucoup plus précoce, issu de la dualité subjective du nourrisson qui devient objet de langage, avant même de le comprendre.
La conception d’un psychanalyste neutre, qui garde ses distances pour ne pas influer sur le discours de son patient est largement répandue, peut être plus en France que dans d’autres pays assimilables. Certains professionnels incarnent ce rôle de façon prononcée, cultivent le mystère, ce qui donne d’ailleurs plus de poids aux rares interprétations qu’ils prodiguent.
Il existe cependant d’autres leviers à employer qu’une attitude paternaliste, même si cette dernière ne doit pas systématiquement être écartée. Il est également démontré par le courant de la pragmatique « qu’on ne peux pas, ne pas influencer », même quand on garde le silence.
La bonne mère et la mauvaise mère
Le sujet fait encore l’objet de vives controverses. Pour simplifier, si la conception freudienne se base sur l’étayage de la pulsion d’amour sur le besoin de nourriture, l’école anglaise postule pour une pulsion d’amour innée, qui se développe en parrallèle de la pulsion de conservation.
Pour notre mentalité adulte, la destructivité et la cruauté que tout chercheur impartial qui suivra ses traces trouvera chez les bébés sont énormes. Cela cessera de constituer un mystère insoluble quand, comme elle le montre elle-même, on donnera sa pleine signification à l’hypothèse freudienne d’une force de destruction dans notre psychisme, toujours en interaction avec la force de conservation de la vie. Ce concept d’une force de destruction tendant à l’anéantissement de la vie à l’intérieur de chaque individu est appelé à susciter une extrème résistance émotionnelle. Si l’on y ajoute l’obscurité qui entoure son action, on comprend qu’il ait été négligé par de nombreux disciples de Freud, bien plus qu’aucun autre aspect de son oeuvre (Joan Rivière, introduction ; développements de la psychanalyse, 1966).
Cette différence théorique peut apparaitre anecdotique, mais elle est déterminante pour la pratique elle-même. Par exemple, Mélanie Klein insiste sur l’importance d’interpréter le tranfert négatif. Elle rajoute qu’une thérapie où le transfert ne serait que positif reviendrait à ne traiter que la moitié des symptômes.
Je suppose qu’adopter une attitude de neutralité artificielle, crée une distance importante. De même, une position paternaliste favorise le blocage des réactions émotionnelles et semble limiter l’interprétation du transfert.
L’analyse finie et l’analyse infinie ?
Des thérapies inadaptées renforcent les résistances, conduisent à l’agravation des symptômes initiaux. C’est souvent le cas avec des séances trop espacées, ou lorsque le transfert négatif conduit à la rupture. Par exemple, certaines personnes ont construit des images parentales tellement problématiques, qu’il est très difficile d’en venir à bout en une seule fois.
Il est de ce fait préférable de parler d’analyse incomplète plutôt que finie, voire ratée. Si le système de santé nourrit l’ambition remarquable d’un service public inconditonnel, un professionel libéral devrait être capable de se définir incompétant, ou de refuser certaines situations, difficilement productives.
En définitive, les personnes qui consultent ont souvent une idée préétablie de ce qu’ils attendent. Cette vision se révèle parfois très distante de ce qu’un thérapeute considère comme LA pseudo-réalité. Mais il convient d’en tenir compte.
Je pense qu’il est important de centrer sa pratique sur une interaction efficace. Une thérapie adaptée revient à tenir compte des bouleversements contemporains de la communication, de la diversité des situations. La personne est apréhendée dans sa globalité, plutôt que par sa maladie.
La question de la durée d’une thérapie amène donc à une réponse fluctuante et limitante. Il s’agit dans ce cas d’un facteur à prendre en compte, car il va déterminer profondément la situation. Pour ma part, je préfère laisser cette question incertaine…
Finalement, les attentes du thérapeutes ne devraient avoir aucune incidence. Les théories, les actions concrètes ne représentent que des outils. il serait par exemple impossible de réparer un poste de télévision avec un seul et même tournevis.
Il est tout à fait légimite pour un professionnel d’exercer une action politique (c’est le but de cet exposé). Mais les clients n’ont que faire des guerres universitaires ou institutionnelles, de la notoriété ou des ambitions personnelles.
En d’autres termes il est important de faire preuve de flexibilité, de dépasser les idées préconçues et de se montrer disponible. Pour expliquer son point de vue, Watzlawwick prend l’exemple du thermostat. C’est un appareil très simple, mais qui régule la température, même si la météo est un phénomène hautement complexe. L’auteur écrit :
Dans le microsystème familial par exemple, une stratégie de ce genre peut s’avérer tout à fait payante. Le point de départ est une définition claire et concrète du problème posé, puis l’identification de la pseudo-solution inopérante appliquée jusqu’alors. C’est ici que l’intervention trouve sa première prise elle doit essayer de rompre le cercle vicieux entre le renforcement des contre-mesures et l’agravation de la crise, en introduisant dans le système un élément qui neutralise les contre-mesures et les transforme en leur contraire. En un sens, cette procédure est une réplique du mécanisme du thermostat : elle consiste en effet à ne saisirqu’un seul aspect du problème, en laissant apparemment de côté l’énorme complexité de la situation d’ensemble. Cette apparente « non-pertinence » de l’intervention thérapeutique qui, répétons-le, repose sur la seule connaissance des solutions antérieures inopérantes qu’elle prend à rebrousse-poil, donne souvent à l’amélioration constatée un air paradoxal et stupéfiant. De plusl ‘expérience montre que ces moyens thérapeutiques relativement légers, n’ont pas, normalement, de conséquences graves lorsque l’intervention est venue à contretemps et qu’elle a échoué. (Watzlawick, 1991, p. 168,169).